HISTOIRE D'UNE FONCTION
L’histoire des directeurs des soins nous invite à remonter le temps de l’évolution du management paramédical.
Pour cela, nous nous appuierons sur l’article de Sophie Divay, Maître de conférences à l’université de Reims, paru dans objectifs soins numéro 5 en 2017, ainsi que sur le travail de recherche effectué par Jean-François POPLIESKY, membre du bureau de l’Association Française des directeurs des soins et féru d’histoire, qui avait rédigé sur le précédent site ce chapitre de l’histoire de la profession.
NAISSANCE DU MANAGEMENT NON MÉDICAL
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La direction des soins est composée de l’ensemble des manageurs de santé, ce collectif trouve son ancrage dans une histoire récente dont le cheminement s’est fait sur les 30 dernières années.
« La figure de l’infirmière dite « moderne » doit son éclosion à une combinaison de facteurs qui entremêlent entre autres progrès scientifique en médecine, prises de positions politiques de médecins républicains et laïcisation des hôpitaux.
Le docteur Désiré Magloire Bourneville incarne l’acteur de ce tournant. L’histoire est bien connue : ce médecin est le créateur de la première école laïque d’infirmières qui ouvre ses portes à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière en 1878 et le concepteur des enseignements qui y sont dispensés à travers la rédaction de nombreux manuels.
Dans l’ombre de cet événement célèbre, se produisent d’autres nouveautés rarement relatées : Bourneville se préoccupe également de la carrière de ces infirmières qu’ils envisagent « capables à terme de devenir les suppléantes et les surveillantes censées remplacer les religieuses qui occupent ces postes éminents. (…) Bourneville est aussi, à sa manière, l’inventeur des écoles de cadres, fut-ce pour des raisons très politiques. Les futures suppléantes ou surveillantes devront non seulement être des infirmières “soignantes” d’élite, mais aussi au fait des questions d’économie, de maintien de l’ordre et de la discipline dans les salles de malades. » (Poisson, 2010, p.25)
Si le temps de la professionnalisation démarre pour les infirmières en 1922, avec le décret du 27 juin instituant la création d’un brevet de capacité professionnelle, les surveillantes vont devoir attendre plus de trente années pour obtenir, en 1958, après quelques tentatives inabouties, un véritable diplôme, mais à double facette, c’est-à-dire se présentant sous la forme de deux certificats d’aptitude aux fonctions, pour l’un d’infirmière surveillante (CAFIS) et pour l’autre d’infirmière monitrice (CAFIM). Si ces dispositions ne visent que les personnels travaillant à l’hôpital public, beaucoup d’agents sont concernés, mais peu d’entre eux ont encore la possibilité de suivre une formation. En effet, la première école date de 1951, et en 1958 l’offre de formation demeure bien maigre ; l’AP-HP, par exemple, ne se dotera de sa première école de cadres qu’en 1964 à l’hôpital de la Salpêtrière. Il faudra encore attendre le 22 août 1966 pour qu’un arrêté définisse l’« organisation des écoles de cadres d’infirmiers(es) ».
C’est tout d’abord la différenciation entre monitrice et surveillante qui disparaît, avec l’avènement en 1975 du certificat de cadre infirmier (CCI).
Vingt ans plus tard, l’année 1995 est celle d’une grande avancée dans ce processus d’unification : le CCI cède le pas au diplôme de cadre de santé.
C’est également le début de la remise en cause de l’hégémonie infirmière à l’hôpital. Peuvent désormais accéder à la fonction de cadre, via une formation et un diplôme unique, non seulement tous les soignants de la filière infirmière, mais également tous les personnels paramédicaux des filières médico-techniques et de rééducation, soit des agents issus, au total, de quatorze métiers différents. Le diplôme cadre de santé devient non seulement « interprofessionnel » (Cottret, 2010), mais aussi obligatoire, renforçant ainsi la professionnalisation de ces chefs qui ne peuvent plus être promus à l’ancienneté, mais par voie de concours qui leur donne accès aux Instituts de formation de cadres de santé (IFCS), structures soumises à la même réglementation et au même programme national qui contient une part importante d’apports en gestion, management, droit, etc.
Cette loi de 1995 comporte un autre aspect novateur : elle donne, à travers son article 23, la possibilité aux IFCS de développer des partenariats avec l’université qui mènera à une « mastérisation » des diplômes de cadre de santé aujourd’hui délivrés parallèlement à des Master 1 ou Master 2, notamment spécialisés en sciences de la gestion ou en sciences de l’éducation.
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LIGNÉE HIÉRARCHIQUE DES SOIGNANTS
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Parallèlement à l’émergence progressive du cadre infirmier puis paramédical, la lignée hiérarchique des soignants se structure
L’ANIG, Association nationale des infirmières générales, a officiellement pris existence le 5 février 1971. Elle regroupe les infirmières dites Surveillantes générales, Surveillantes Chefs détachées qui exercent, à la demande de la direction et à l’échelon d’un établissement hospitalier, des fonctions de gestion des personnels, d’organisation générale des services et plus particulièrement des soins infirmiers.
Avec la première présidente Christiane RIBIERE, ce regroupement est né d’un désir d’étudier concrètement le travail de ce nouveau type d’infirmières et d’officialiser une fonction, nécessaire à tous les hôpitaux, et de là, obtenir une reconnaissance à travers un statut.
Avec les autres associations professionnelles, en commissions ministérielles, au Conseil Supérieur des Professions Paramédicales, le travail est continu, il devient fructueux pour en arriver à la mise en place d’un véritable sommet tout d’abord occupé par une infirmière générale (1975).
1975 Nomination des infirmiers généraux
C’est à Tours au cours des IVe Journées d’Etudes de l’ANIG, que la Conseillère du Ministre de la santé présente le décret statutaire, signé le 11 avril 1975 par madame Simone Veil.
Premier décret statutaire (11 avril) et circulaire d’application (31 juillet1975) Le corps se compose de 2 grades, IG et IG adjointe par tranche de 500 lits.
L’IG, sous l’autorité du chef d’établissement est responsable de la coordination des activités des personnels (IDE, AS, ASH) et propose leur affectation…
L’IG veille, en liaison avec le corps médical, à la qualité des soins infirmiers.
Le rôle se situe auprès du directeur… à l’intérieur de l’équipe de direction.
Le décret du 9 décembre 1975 complète celui du 6 décembre 1972 sur la composition de la Commission médicale consultative.
L’IG siège en qualité de membre, avec voix délibérative (après le pharmacien et avant l’attaché).
La discipline infirmière est intégrée à part entière, comme la discipline médicale, dans la consultation de l’établissement.
Il en est de même en 1982. En 1986, l’IG trouve sa place après l’attaché et avant l’interne, toujours avec une voix délibérative.
1991 L’infirmier général devient directeur du service de soins infirmiers
La loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière introduit dans le Code de la santé la création du service de soins infirmiers dans chaque établissement.
Le service est obligatoirement crée, la direction est confiée à l’IG, une commission d’expression spécifique présidée par l’IG est consultée, le projet de soins infirmiers est intégré, comme le projet médical, au projet d’établissement.
Un membre élu au sein de la Commission de soins infirmiers siège avec voix délibérative au Conseil d’administration de l’établissement.
Place et définition de la fonction
Le décret du 18 octobre 1994 modifie le décret statutaire du 18 octobre 1989 La définition de la fonction est modifiée pour être en conformité avec le Code de la santé et plus particulièrement l’Article (L.714-26) L.6146-9.
L’article 2 précise que l’IG assure la direction du service de soins infirmiers, il est membre de l’équipe de direction et préside la commission du service de soins infirmiers.
Service de soins infirmiers remplace, service infirmier.
Le rapport annuel d’activité remis au chef d’établissement est confirmé.
Place au sein de la Commission médicale d’établissement
Le décret du 16 mai 1992 fait suite aux nouveautés en matière d’organes consultatifs introduites par la loi portant réforme hospitalière.
Le directeur siège avec voix consultative à la CME, « il peut être assisté par un ou des collaborateurs de son choix dont le directeur du service de soins infirmiers ».
Ainsi l’IG assiste à la CME, invité par le directeur en qualité de collaborateur. Un membre élu de la Commission des soins infirmiers siège à la CME avec voix consultative.
2002 - Directeur des soins tout court et L’ANIG devient l’Association Française des Directeurs des Soins
Avec le dernier décret statutaire du 19 avril 2002 portant statut particulier du corps de Directeur de soins de la Fonction publique hospitalière le changement est radical.
Ce nouveau corps toujours classé en catégorie A comporte 2 grades, directeur des soins de 2e classe et de 1e classe.
Ce corps est constitué des cadres issus de la filière infirmière, rééducation et médico-technique. Sont regroupés dans ce texte tous les directeurs de soins chargés d’une direction :
• Du service de soins infirmiers,
• Des activités de rééducation,
• Des activités médico-techniques,
• Des instituts de formation (paramédicale),
• Des instituts de formation de cadres de santé.
Les fonctions de conseiller technique et pédagogique à l’échelon régional ou national sont visées dans le texte.
Une nouvelle fonction est créé, celle de Directeur de soins, Coordonnateur général des soins.
Le titulaire est nommé par le Directeur chef d’établissement. Il dispose, par délégation de ce dernier, de l’autorité hiérarchique sur l’ensemble des cadres de santé. La fonction de coordonnateur général des soins est totalement légitimée par cette délégation de l’autorité hiérarchique sur l’ensemble des cadres de santé.
Ainsi est réalisé au sein d’un même établissement, ou de plusieurs établissements, une unité de gestion et de direction des soins.
Ce décret réalise une ouverture du corps de directeur de soins et en même temps une unité dans l’organisation et la mise en œuvre des activités de soins infirmiers, de rééducation et médico-technique.
C’est la représentation de l’équipe de soins autour du patient, équipe dont l’infirmier(e)est le point central, pivot de l’information et de la coordination des actions de soins.
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AUTRES ÉVOLUTIONS
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Autres évolutions du métier de directeur des soins
La loi du 21 juillet 2009 Hôpital, Patient, Santé et Territoire dite loi Bachelot introduit des changements dans le mode de gouvernance des hôpitaux. Elle consacre le Directeur des soins, Coordonnateur Général des Soins et président de la Commission des Soins Infirmiers, de Rééducation et Médico Techniques (CSRMT) comme membre de droit du Directoire. Les Directeurs des soins voient ainsi resituer leurs missions à un niveau plus politique et stratégique.
La loi introduit aussi la gestion du corps des Directeurs des soins par le Centre National de Gestion (CNG) de la fonction publique hospitalière. La gestion nationale permettra une visibilité complète sur l’exercice professionnel des Directeurs des soins au sein des établissements publics de santé. Elle permettra aussi une gestion unifiée du corps facilitant les parcours professionnels. Un comité consultatif national paritaire élu par les Directeurs des soins statuera sur les conditions d’exercice du corps.
La formation des Directeurs des soins à l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP) passe à 12 mois avec un stage de mise en situation professionnelle.
Un décret du 30 avril 2010 reprécise les missions et composition de la Commission des Soins Infirmiers, de Rééducation et Médico Techniques (CSIRMT).
2012 la circulaire sur la Prime fonction Résultat concerne tous les personnels des corps de directions intégrant les directeurs des soins
Circulaire DGOS/DGCS no 2012-241 du 19 juin 2012 relative à la mise en œuvre de la prime de fonctions et de résultats pour les personnels des corps de direction de la fonction publique hospitalière
2022 - Statut révisé des directeurs des soins
Décret n° 2022-463 du 31 mars 2022 modifiant le déroulement de carrière du corps de directeur des soins de la fonction publique hospitalière
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